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Vassilis salpistis : l'extrémité de la représentation

Une surprise particulièrement agréable s'avère être la première exposition de Vassilis Salpistis dans la galerie Kappatos. Nous avions déjà remarqué le travail de ce jeune peintre arrivé de France dans le cadre de la dernière Art Athina au stand   de la même galerie. Malgré son jeune âge, l'artiste montre des éléments particulièrement remarquables : une technique maîtrisée, une étude élaborée du noyau thématique de sa recherche picturale, sans chercher à impressionner et sans précipitation. En effet, son dévouement exclusif à son art et sa modestie évidente semblent le récompenser jusqu'à maintenant.

L'œuvre de Salpistis est fortement enracinée dans la recherche d'une nouvelle forme représentationnelle, qui n'a aucun rapport à un éventuel retour nostalgique à la « belle vieille peinture », mais qui consiste tout simplement en une épreuve ontologique et une étude existentielle de la relation entre l'image traditionnelle esthétique et les nouvelles formes de représentation picturale et de création. Le nouveau mouvement de la représentation est un commentaire eidétique sur les conditions particulières du temps et de l'étendue (espace), et sur leurs capacités symboliques et réelles introduites par les nouvelles techniques dans l'acte artistique (vidéo, installations, traitement numérique de l'image, holographie etc.). La nouvelle représentation est au fond une situation limite et ainsi critique de la fabrication d'images, et non pas un triomphe sur le non pictural.

Ainsi, dans l'œuvre de Salpistis, la représentation porte en elle sa propre limite et pour cette raison la couleur (monochromie) ou le moyen technique (crayons) reste à un niveau schématique. Chaque œuvre correspond à une universalité de type hégélien, c'est-à-dire à l'Un sensoriel qui contient dans son essence son propre refus -le non-être défini à travers l'œuvre. La tentative d'exprimer différemment l'espace traditionnel et le point de vue que Salpistis suggère ironiquement contre la limitation du tableau s'annule par la nature bidimensionnelle de ce dernier. Le thème et le medium de l'œuvre se définissent depuis le début par ce refus et forcent les porteurs de la conscience esthétique de l'œuvre à se replier, à revenir de nouveau au début de la perception stochastique qui est responsable de la conception et du plaisir liés à l'oeuvre. Soudain, ces porteurs sont invités à reconstituer l'idée de l'œuvre non pas comme une perception directe et uniquement sensorielle, mais comme une entité qui contient simultanément son opposé.   Dans la représentation, et plus précisément dans la nouvelle représentation, le thème représente (existentiellement) et en même temps ne se présente pas (ontologiquement). Et si on accepte le nominalisme de l'exemplification de Goodman, l'œuvre met en relief certaines catégories principales du thème et son idiosyncrasie par contraction, sans devenir la seule référence de son « objet ».

Le monde de l'œuvre continue à se renfermer dans les limites de la perception et de la construction « symboliques » et, comme dirait encore Goodman, dans le cadre du conceptuel et non pas de sa définition réelle que Hegel pourrait nous opposer. C'est cette perception, celle de la réception du non-être de l'être au sein de la forme, qu'affirme Salpistis, ce qui est évident dans la seule vidéo de son exposition. Dans celle-ci, la délimitation du monde (perçu visiblement et conceptuellement) ne correspond pas à sa perception tel qu'il est : au contraire, il s'agit d'une   reconnaissance consciente d'après un discours sensoriel, visible et esthétiquement articulé. La définition du monde par l'impression artistique se passe contre et malgré la nature : c'est empreindre, intégrer le monde dans l'œuvre, et en même temps tracer, exclure l'essence de celui-ci en la gravant sur la surface. L'art, non seulement en tant que représentation, mais surtout en tant que tel, divise profondément et violemment le monde et son essence, en cachant de manière heideggérienne l'être du véritablement être, en faisant apparaître son image plutôt que l'être lui-même.  

Georges-Byron Davos
2005